La Fin des Cartes ?

La Fin des Cartes ? Novembre 2015, Espace des Arts Sans Frontières, Paris

La Fin des Cartes ? est un projet entre art et recherche, résolument interdisciplinaire, à la croisée des chemins de la recherche scientifique et de la pratique artistique, qui vise, à l’heure de la multiplication des procédés cartographiques 2D et 3D, à questionner la représentation des territoires tant d’un point de vue technologique, scientifique, que politique et urbanistique. Productrice d’une iconographie captivante, parfois inquiétante, la carte et ses déclinaisons virtuelles (représentations 3D, maquettes numériques urbaines, etc.) est un objet de recherche mais également une méthode pour qui veut aborder la ville du point de vue du design, de l’anthropologie, de l’urbanisme ou de la géographie. À travers le titre La Fin des cartes ? Territoires rêvés, territoires normalisés, il s’agit de mettre en tension les démarches subjectives et appropriatives que nous adoptons face aux territoires que nous pratiquons, et les outils toujours plus performants et inquisiteurs qui tendent à absorber ces représentations.


Photos : Hélène Göhring, Yohan Han, Myriam Boyer

Le projet se déploie autour d’un colloque international (les 19 et 20 novembre) et d’un parcours d’expositions du travail de recherche mené par un groupe de travail mobile entre 2013 et 2015. Des ateliers de cartographie participative viennent ponctuer le parcours de restitution emmené par des artistes déambulateurs permettant au public de se réapproprier leur ville. Le tout viendra alimenter une base de données, AlterMapping Knowledge Base, dont l’objectif est de répertorier un vaste ensemble de projets cartographiques d’artistes et de chercheurs.

Guy Debord Guide psychogéographique de Paris. Discours sur les passions de l’amour Lithographie (reproduction), 1957
COLLECTION FONDS REGIONAL D’ART CONTEMPORAIN DU CENTRE, ORLEANS, FRANCE

Le Guide psychogéographique de Paris faisait initialement partie d’une sélection de cinq plans
réalisés par Guy Debord pour la Première exposition de psychogéographie à la galerie Taptoe
à Bruxelles en février 1957. Ceux-ci rendaient compte des expériences de dérive menées dans
Paris par les lettristes. Suite au refus de Debord de participer à cette exposition collective (qui
réunissait également Asger Jorn, Yves Klein, Ralph Rumney, Michèle Bernstein et Mohammed
Dahou), ce collage fut finalement imprimé avec The Naked City en mai, lors d’un séjour avec
Jorn au Danemark et édité par le Mouvement International pour un Bauhaus Imaginiste. L’un et
l’autre furent ensuite reproduits en 1958 dans l’ouvrage de Jorn Pour la forme, publié à Paris par
l’Internationale Situationniste. Réalisé à partir du Plan de Paris à vol d’oiseau édité en 1951 et
dessiné par Georges Peltier, ce guide morcelle l’unité souveraine de la carte pour y substituer
des « unités d’ambiance » urbaines, avec leurs défenses, leurs entrées et leurs sorties. Le
verso de l’édition de 1958 comportait la note suivante : « (…) Sur les plans de Paris édités par
le M.I.B.I, les flèches représentent des pentes qui relient naturellement les différentes unités
d’ambiance ; c’est-à-dire les tendances spontanées d’orientation d’un sujet qui traverse ce
milieu sans tenir compte des enchainements pratiques – à des fins de travail ou de distraction
– qui conditionnent habituellement sa conduite ». Sont ainsi retracés les déplacements du
dériveur guidé par l’action du milieu géographique sur son « affectivité », aboutissant à une
reconstitution psychogéographique de l’espace urbain. Les « passions » reconstruisent ainsi un
espace devenu « disponible », un labyrinthe inscrit dans un temps contingent et appréhendé
par l’expérience. Gilles Rion

Kader Attia Untitled (Couscous) Installation, Couscous fin, 20 moules, peinture acrylique noire, 2009
COLLECTION FONDS REGIONAL D’ART CONTEMPORAIN DU CENTRE, ORLEANS, FRANCE
kaderattia
Cette oeuvre part d’une réflexion de l’artiste sur les phénomènes d’influences et les signes
de réappropriation au sein des espaces culturels. Enfant de l’immigration, élevé entre deux
territoires et deux cultures, Kader Attia n’oublie pas combien le voyage de Le Corbusier en Algérie
au début des années 1930 marqua profondément sa Charte d’Athènes et donc l’architecture
occidentale du XXe siècle. Les principes modernistes du « toit-terrasse » ou de la « façade libre
» sont ainsi déjà présents depuis le XIe siècle dans les constructions traditionnelles du désert
nord-africain. L’artiste transpose au plan esthétique ce jeu d’influences en construisant une
image poétique et sensitive du désert algérien. Un paysage circulaire de dunes est déployé au
sol sur 3 mètres de diamètre. Au centre de ce tapis ondulant et baigné d’une lumière chaude
sont ménagés des espaces vides qui rappellent, par le tranchant et l’orthogonalité de leurs
contours, l’architecture d’un village mozabite. En s’emparant ainsi du vide comme matrice de
l’espace construit – donné à voir « en négatif » – et en utilisant des graines de couscous pour
figurer le sable, Kader Attia souligne le lien organique et culturel qui sédimente l’architecture
au paysage. Ce jeu métonymique d’inversion génère pour le spectateur une expérience visuelle
forte, et les contrastes – formels, volumétriques, lumineux – trouvent à se résoudre dans une
image d’équilibre et d’harmonie cosmique. Aurélien Vernant

Patrick Lichty The Private Life of a Drone Vidéo, 2013

The Private Life of a Drone de Patrick Lichty est un travelogue filmé par des drones en vol,
explorant la zone autour du Virginia Center for the Creative Arts à Amherst, en Virginie (USA).

Forensic Architecture Drone Strikes Case no.2: Mir Ali (full report) et Case no.3: Miranshah (full report) Vidéos, 2014

Enquête sur des opérations secrètes à l’aide de medias de représentation d’espaces
Forensic Architecture a examiné plusieurs questions relatives à la cartographie spatiale de la
guerre des drones ; par exemple, les caractéristiques géographiques des frappes en relation à
la nature des lieux (villes ou villages) et types de bâtiments ciblés. Notre objectif était d’explorer
ce que les connexions potentielles qu’il pourrait y avoir entre ces configurations spatiales et le
nombre de victimes, en particulier les victimes civiles.
Points of view est un documentaire interactif basé sur des séquences vidéo de Palestiniens
travaillant avec le projet de distribution de caméras par l’association B’Tselem. Il offre une vision
intime de la vie sous l’occupation israélienne. En 2007, B’Tselem a commencé à donner à des
Palestiniens vivant dans les territoires de Cisjordanie et de Gaza des caméras vidéo ainsi qu’une
formation de base dans la production vidéo. Leur espoir est que la vidéo résultante permettrait
Palestiniens eux-mêmes pour documenter non seulement la violation de leurs droits, mais aussi
de présenter la colère, la douleur, la joie et l’espoir de leur vie quotidienne à la fois aux Israéliens
et à un public international.

Zohar Kfir Points of view Site internet, 2014
pointofview
Points of view est un documentaire interactif basé sur des séquences vidéo de Palestiniens
travaillant avec le projet de distribution de caméras par l’association B’Tselem. Il offre une vision
intime de la vie sous l’occupation israélienne. En 2007, B’Tselem a commencé à donner à des
Palestiniens vivant dans les territoires de Cisjordanie et de Gaza des caméras vidéo ainsi qu’une
formation de base dans la production vidéo. Leur espoir est que la vidéo résultante permettrait
Palestiniens eux-mêmes pour documenter non seulement la violation de leurs droits, mais aussi
de présenter la colère, la douleur, la joie et l’espoir de leur vie quotidienne à la fois aux Israéliens
et à un public international.

Jean-Baptiste Bayle Terminator Studies Carte et site internet, 2014

terminator
Alors que le fameux “scénario Terminator” devient de plus en plus plausible, chaque jour amène
son lot de validation des hypothèses fictives du film.. De Foxconn, qui remplace ses travailleurs
humains par des androides pour fabriquer les nouveaux iPad, à Amazon qui met en esclavage
les humains, ou Google qui prendrait soudain le contrôle à la “Skynet”. La catastrophe de
Fukushima qui est apparu à quelques jours près à la même date que l’ attaque nucleaire dans
“Rise of the machines” (le “Terminator 3”). La résistance s’ organise : ainsi ces scarabés qui
mutent pour resister aux OGM, et même James Cameron se mobilise pour la sauvegarde des
tribus amazoniennes… Quand la productrice d’un film sur Ben Laden et d’un film sur Wikileaks
rachète les droits de la “franchise Terminator”, quand un tueur fou se prend pour le joker de
Batman, quand des drones tuent à distance, quand la Directrice du DARPA est embauchée par
Google, quand Oxford University ouvre son propre centre de Terminator Studies… C’ est quand
la réalité dépasse la fiction que le niveau d’ alerte est à son maximum pour les Terminator
Studies.

Myriel Milicevic et Ruttikorn Vuttikorn Stories from the Hills: Tales of the Lowland Cartes et site internet, 2014
myriel
Connu comme un peuple narrateur, les tribus montagnardes thaïlandaises transmettent leurs
histoires de bouche à oreille au fil des générations, sans aucune forme écrite ni alphabet pour
garder les mots, protégés seulement par les hautes collines du nord de la Thaïlande. Comment
ces histoires pourraient aider à comprendre les relations étroites des personnes et de leurs
terres, leur façon de vivre de la forêt, de nourriture cultivée, et influencer nos modes de vie
urbains ? Pendant notre visite aux tribus des collines, nous avons séjourné dans deux villages
Akha: Suan Pa qui est situé près d’une ville, et Lhor Yo qui est plus élevé dans les montagnes et
plus éloigné des zones urbaines.

Ben Fry Distellamap / Pitfall Cartographie du jeu Pitfall sur Atari 2600, 2010

Comme toute autre console de jeu, les cartouches Atari 2600 contenaient un code exécutable
aussi mélangés avec des données. Cela répertorie le code en colonnes de langage d’assemblage.
La majeure partie du code est des mathématiques ou des instructions conditionnelles (si x est
vrai, aller à y), donc à chaque fois qu’apparaît « aller à », une courbe est tirée de ce point à sa
destination. Quand un octet de données (par opposition au code ) se trouve dans la cartouche, il est affiché
comme une ligne orange : un bloc solide pour un «1» ou un point pour un « 0 ». La ligne
est composée de huit éléments, représentant un octet entier. Cela signifie généralement que
les images peuvent être vues dans leur intégralité quand une série d’octets sont présentés
sous forme de lignes. Les images étaient souvent stockées à l’envers comme une méthode de
programmation.

Bureau d’Etudes The 8th Sphere Carte, 2010
La Fin des Cartes ? Commissaire Isabelle Arvers
Léonore Bonaccini et Xavier Fourt forment le duo d’artistes de Bureau d’études qui élabore une
mise en forme cartographique des systèmes politiques, sociaux et économiques contemporains.
Leurs analyses visuelles du capitalisme international reposent sur une recherche approfondie et se
présentent sous la forme de grands tirages d’affiches et de dessins muraux. En recontextualisant
des éléments distincts et en apparence éloignés, ces visualisations des intérêts, coopérations et
autres influences mettent à jour une dimension des enjeux politiques et économiques souvent
trop peu perceptible.

Heath Bunting The Status Project / How to build a natural british person Carte, 2011
heathbunting2
En tant que conformistes, nous sommes des modèles imparfaits de « système », regroupés
dans trois couches principales :
– Être humain
– Personne physique (un être humain objectivé)
– Personne morale (généralement collectifs objectivées d’une personne physique (s))
Les êtres humains peuvent posséder une ou plusieurs personnes physiques et contrôlent une
ou plusieurs personnes artificielles (sociétés) .
Les êtres humains de classe inférieure possèdent une seule personne physique sévèrement
réduite et ne contrôlent pas toutes les personnes morales (sociétés).
Les êtres humains de classe moyenne possèdent une seule personne physique et peut-être
contrôlent une personne artificielle (de société).
Une mise en scène cartographique conçue comme une leçon d’anatomie, qui veut expliquer
l’événement de transformation géologique et ontologique qui a lieu dans la région.

Cristian Espinoza Esquizoterritorios N°4 Cartes, 2015

Les êtres humains de la classe supérieure possèdent plusieurs personnes physiques et contrôlent
de nombreuses personnes morales (sociétés) avec une séparation habile et en interaction .
The Status project arpente ces systèmes de classe, de gestion de l’être humain et produit des
cartes d’influence, des cartes de la logique integratée et des portraits personnels à la fois pour
la compréhension et la mobilité.

Louidgi Beltrame Gunkanjima Vidéo, 2010
COLLECTION FONDS REGIONAL D’ART CONTEMPORAIN DU CENTRE, ORLEANS, FRANCE

« Avec Gunkanjima, Louidgi Beltrame contribue une nouvelle fois à la construction d’une autre
histoire de l’urbanisme : celle des cités englouties et des villes fantômes, réelles ou idéales, qui
nourrissent depuis toujours l’imaginaire des artistes et des architectes.
Surnom de l’île de Hashima, située au large de Nagasaki au Japon, Gunkanjima (« île navire
de guerre ») fut le théâtre d’une expérimentation industrielle et urbaine inédite suite à la
découverte d’un gisement de houille au XIXe siècle. Evacuée en trois mois seulement suite à la
fermeture de l’exploitation houillère en 1974 et aujourd’hui abandonnée, Gunkanjima paraît à
la fois figée dans le temps et prise dans un mouvement entropique.
[…] Les images et certains commentaires en voix-off de la vidéo documentent l’histoire réelle
de l’île en mettant à jour les différentes strates historiques qui l’ont dessinée au cours du
temps, depuis sa constitution géologique jusqu’au quotidien de ses habitants. Mais l’artiste
joue également sur l’aspect post-apocalyptique de ce décor pour réaliser une oeuvre qui oscille
entre documentaire archéologique et fiction scientifique. » Gilles Rion

James Bridle Dronestagram Slideshow (images extraites de Dronestagram, sur Instagram, Tumblr et Twitter), 2012-2015
La Fin des Cartes ? Commissaire Isabelle Arvers
James Bridle poste des images des paysages qui ont subi des frappes de drones sur Instagram :
suivez Dronestagram (également sur Tumblr et Twitter).

Yona Friedman Ville spatiale Fac Similé, 1959-1960
COLLECTION FONDS REGIONAL D’ART CONTEMPORAIN DU CENTRE, ORLEANS, FRANCE

Principe imaginé dès 1959 par Yona Friedman, la Ville spatiale est une structure spatiale surélevée
sur pilotis, qui peut enjamber des zones non constructibles ou même des villes existantes. « Cette
technique permet un nouveau développement de l’urbanisme : celui de la ville tridimensionnelle ;
il s’agit de multiplier la surface originale de la ville à l’aide de plans surélevés » (Friedman). La
superposition des niveaux doit permettre de rassembler sur un même site une ville industrielle,
une ville résidentielle ou commerciale. Les constructions doivent « toucher le sol en une surface
minimum ; être démontables et déplaçables ; être transformables à volonté par l’habitant ». La
Ville spatiale constitue ainsi ce que Yona Friedman nommera une « topographie artificielle » :
une trame suspendue dans l’espace qui dessine une cartographie nouvelle du territoire à l’aide
d’un réseau homogène continu et indéterminé. Cette maille modulaire autorisera une croissance
sans limite de la ville au sein de cette mégastructure. Sur la grille ouverte viennent se greffer les
habitations individuelles qui n’en occupent que la moitié, les « remplissages » devant alterner
avec les « vides » ; l’ensemble a donc un rythme variable, dépendant des choix des habitants.
« La force d’expression individuelle deviendra ainsi une composition au hasard (…) et la ville
redevient ce qu’elle a toujours été : un théâtre de la vie quotidienne » (Friedman). Publié en
France par Michel Ragon dès le début des années 1960, la Ville spatiale nourrit aujourd’hui
encore l’imaginaire de nombreux artistes et architectes contemporains ainsi que les recherches
les plus actuelles en matière d’architecture modulaire.

Rem Koolhaas La Ville du Globe captif Fac Similé, 1972
COLLECTION FONDS REGIONAL D’ART CONTEMPORAIN DU CENTRE, ORLEANS, FRANCE

« La Ville du globe captif constitue une première exploration intuitive de l’architecture
manhattanienne (…). Si l’essence de la culture métropolitaine est le changement – un monde
dans un état d’animation perpétuelle – et si l’essence du concept « ville « est une séquence
lisible de diverses permanences, en ce cas seuls les trois axiomes fondamentaux sur lesquels est
fondée La Ville du globe captif peuvent permettre à l’architecture de se réapproprier le territoire
de la métropole. La trame, ou tout autre système de subdivision du terrain métropolitain fixant
les limites maximales des îlots, définit un archipel de « villes dans la ville «. Plus chaque « île «
exalte les valeurs spécifiques, plus l’unité de l’archipel comme système s’en trouve renforcée.
Le fait que le « changement « soit circonscrit aux « îles « constitutives garantit l’immutabilité
du système. Au sein de l’archipel métropolitain, chaque gratte-ciel, en l’absence d’une véritable
histoire, élabore son propre « folklore « instantané » (New York Délire, 1978).

In the era of the expand of 2D and 3D cartographic representations, this interdisciplinary research project between scientific reserach and artisic practice aims to questions the representation of territories, in various points of views, in terms of technology, science, politic and urbanism.

An international conference will be held on November 18 and 19, 2015. To complete this conference, an exhibition currently in programmation by Isabelle Arvers will be built like a travel between different places, inviting the public to wandering and forming the map of a territory to reclaim. A travel within maps, scale models, installations, workshops and walkings, conceived like answers to the questions raised by the research project La Fin des cartes.

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